Lithiases
29 mai 2024
Alcaliniser ou ne pas alcaliniser dans la lithiase phosphocalcique, telle est la question ?
Raphaël GAISNE, CH de Saint-Nazaire
Afin de réduire la récurrence des lithiases calciques, les règles hygiéno-diététiques (RHD) sont la première mesure thérapeutique à observer : hydratation abondante supérieure à 2,5 litres/jour répartie sur le nycthémère, régime normosodé (6-8 g/j), avec des apports protidiques modérés (max 1 g/kg/j), des apports calciques autour de 800 à 1 000 mg/j et sans excès d’aliments riches en oxalate. La fiche de l’Association française d’urologie(1) les résumant est d’ailleurs utile pour les patients en consultation. Des interventions médicamenteuses sont nécessaires en cas de persistance des facteurs de risque lithogènes, notamment d’hypercalciurie, malgré l’observance des RHD.
Les diurétiques thiazidiques (TZD) réduisent la calciurie en favorisant la réabsorption tubulaire proximale de calcium, parallèle à la réabsorption sodée stimulée par l’hypovolémie induite. Le citrate de potassium (CitK) permet la chélation du calcium libre urinaire et a un effet d’inhibiteur de la cristallisation urinaire. Le CitK a aussi des propriétés alcalinisantes, favorisant une élévation du pH urinaire. Or, contrairement aux lithiases oxalocalciques (OxCa) qui ne sont pas pH-dépendantes, les lithiases phosphocalciques (PhCa) sont sensibles au pH, favorisées lorsque le pH s’élève (> 6,8). Cependant peu d’études se sont intéressées spécifiquement à l’alcalinisation dans ces lithiases, avec des résultats discordants et des populations hétérogènes.
Steely et coll. ont mené une étude rétrospective monocentrique à Chicago sur des patients présentant une maladie lithiasique urinaire OxCa (n = 693) et PhCa (n = 143) idiopathique (exclusion des hyperparathyroïdies primitives, acidoses tubulaires, entéropathies)(2). Ils ont comparé les résultats des analyses biochimiques sanguines et urinaires selon le traitement administré : RHD exclusives, TZD, CitK ou les 2 médicaments.
Après un suivi médian court (4-6 mois), la diurèse a augmenté dans tous les groupes, mais la consommation de sel (estimée sur la natriurèse entre 9 et 11 g/j) n’a que peu varié. Bien que la natriurèse soit restée élevée, la calciurie a significativement baissé chez les patients traités par TZD (baisse de 1,6 à 2,6 mmol/j).
Sous CitK, la citraturie n’a pas augmenté chez les patients présentant des lithiases PhCa, tandis que la kaliémie a augmenté en proportion identique chez les patients OxCa, témoignant d’une probable observance du traitement. L’effectif des patients PhCa étant limité dans ce groupe (n = 16), il peut s’agir d’un manque de puissance, cependant les auteurs suggèrent que cela pourrait être le témoin d’un comportement rénal du citrate différent chez ces patients. La citraturie des patients PhCa traités par TZD seuls a significativement plus diminué que chez les patients OxCa. L’administration concomittante de TZD et de CitK était associée à une réduction de la calciurie avec élévation de la citraturie dans les 2 groupes, ainsi qu’à une élévation modérée du pH urinaire de 0,48-0,73 unité. Le pH urinaire avait tendance à plus s’élever dans le groupe OxCa que dans le groupe PhCa, mais cela peut être lié à la posologie prescrite de CitK moindre (non décrite) étant donné la nature de la maladie lithiasique sous-jacente connue du néphrologue prescripteur.
Le traitement par CitK seul chez les patients lithiasiques OxCa n’a pas permis de diminuer la calciurie, au prix d’une élévation du pH urinaire et de la sursaturation urinaire en phosphate de calcium estimée par le produit molaire.
Au total, cette étude en vie réelle semble en faveur d’une association TZD et CitK, en sus des RHD, pour corriger les anomalies métaboliques lithogènes (notamment l’hypercalciurie et l’hypocitraturie) chez des patients présentant des lithiases OxCa et PhCa. Elle n’est pas en défaveur d’une utilisation (prudente) du CitK dans la lithiase PhCa. A. Yau a publié récemment un cas clinique et une brève revue des potentiels bénéfices du CitK dans la lithiase PhCa, particulièrement en situation d’acidose métabolique(3). Il serait intéressant de consolider ces données par une étude randomisée, s’intéressant à la place du CitK dans la lithiase PhCa, se focalisant sur les récurrences lithiasiques clinique (symptomatique et/ou radiologique) à plus long terme.
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