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Congrès

01 juil 2022

Que faut-il retenir de l’ERA 2022 ?

Caroline GUIGNOT, Lille

L’édition 2022 du Congrès européen de néphrologie a fait la part belle à la prévention et aux innovations thérapeutiques, dont certaines répondent à d’actuelles impasses thérapeutiques. Au cours d’un webinar le Pr Jean-Jacques Boffa (Paris) et le Pr Gabriel Choukroun (Amiens) ont rapporté les communications les plus marquantes du congrès. 

La prévention primaire des maladies cardiovasculaires des patients insuffisants rénaux reste imparfaite malgré un risque bien plus élevé que celui de la population générale. Mais l’étude TIPS-3 apporte quelques données encourageantes sur l'intérêt de l'aspirine à faible dose. Alors que les précédents essais sur le sujet étaient contradictoires (ASPREE vs HOT-CKD), TIPS-3 est la première étude randomisée à décrire la supériorité d’une dose de 75 mg versus placebo dans la prévention des événements cardiovasculaires (critère composite : infarctus, AVC, décès d’origine cardiaque) parmi une population ayant un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) < 60ml/min/1,73 m² (n = 983 ; âge moyen 67 ans ; PA : 148/84 mmHg) : le hazard ratio (HR) était de 0,57 (0,34-0,94) après un suivi moyen de 4,6 ans. L'aspirine semble donc pouvoir être proposée en prévention primaire, l'insuffisance rénale pouvant être considérée comme une atteinte d'organes au même titre que celle suivant un événement cardiovasculaire. Chez le diabétique, une seconde étude FIDELITY a compilé les données de deux essais (FIGARO et FIDELIO) dédiés à la finérénone, un antagoniste non stéroïdien des récepteurs minéralocorticoïdes :  tous deux avaient inclus des patients adultes diabétiques de type 2 présentant une microalbuminurie persistante malgré un traitement par inhibiteurs du système rénine angiotensine (SRA), avec une atteinte rénale respectivement légère à modérée et avancée. Après 3 ans de traitement par finérénone 20 mg ou 10 mg, il existait un bénéfice sur le critère d’évaluation composite cardiovasculaire (HR : 0,86 [0,78-0,95] ; p = 0,0018), sur le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR : 0,78 [0,66-0,92] ; p = 0,0030), le critère composite rénal (HR : 0,77 [0,67-0,88] ; p = 0,0002) et le critère de mise sous dialyse (HR : 0,80 [0,64-0,99] ; p = 0,040). Deux remarques doivent toutefois venir moduler ces conclusions : tout d’abord, le traitement des patients était non optimisé à l’inclusion (PA : 137/76 mmHg à l’inclusion). Ensuite, l’étude n’avait inclus que des patients ayant une kaliémie < 4,8 mmol/L, l'hyperkaliémie étant en effet secondaire du finérénone : d’ailleurs, les arrêts de traitement pour hyperkaliémie, bien que rares, ont atteint 0,66 % patient-année sous traitement versus 0,22 % sous placebo. La problématique de la kaliémie a justement fait l’objet de recherche avec le développement du patiromer, un nouveau chélateur du potassium : l’étude DIAMOND a été conduite chez des patients en insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite et une hyperkaliémie (> 5 mmol/L) ou une normokaliémie avec antécédents d'hyperkaliémie. Après une phase où tous étaient traités par patiromer et inhibiteurs du SRA avec l’objectif d’obtenir une normokaliémie, ils étaient randomisés entre maintien ou arrêt du patiromer. Le suivi à 3 ans montre que le patiromer accroît le délai avant un premier épisode d’hyperkaliémie et limite la fréquence des réductions de posologie des récepteurs minéralocorticoïdes, sachant que cette dernière favorise les événements cardiovasculaires. Maîtriser l’anémie Plusieurs études présentées à l’ERA étaient dédiées à la nouvelle classe thérapeutique de correcteurs de l’anémie qui inhibent le facteur de transcription HIF (Hyoxia Induced Factor), en charge de la modulation de l’expression de différents gènes dont celui de l’érythropoïétine en situation d’hypoxémie. Ces inhibiteurs oraux, s’ils ne sont pas encore disponibles en France, sont prometteurs car ils permettraient d'envisager une simplification de la prise en charge des patients insuffisants rénaux anémiés. Parmi eux, deux molécules ont fait l’objet de communications : le daprodustat et le roxadustat. Une étude post hoc relative au daprodustat versus agent stimulant l'érythropoïèse (ASE) chez des patients dialysés ou non dialysés (étude ASCEND) a évalué le risque d'apparition de cancer sous traitement, ainsi que la corrélation entre la vitesse de correction de l'hémoglobine et le risque d'événements cardiovasculaires. Menée en intention de traiter modifiée, cette analyse conclut à un nombre de cancers équivalent dans les deux bras de l’étude et à un risque d'événements cardiovasculaires majeurs (MACE) également équivalent, que ce soit chez les patients dialysés ou non dialysés, et quelle que soit la vitesse de correction de l’anémie. ASCEND montre d’ailleurs que le taux d’événements le plus élevé est observé parmi le quintile le plus bas du taux d'hémoglobine dans le bras daprodustat ou le bras ASE, suggérant que les événements cardiovasculaires sont liés à l’anémie plutôt qu'à la molécule utilisée. Pour autant, l'absence d'ajustement sur le niveau d'événements cardiovasculaires avant inclusion et le faible nombre d'événements cardiovasculaires observés doivent moduler ces résultats. Une analyse poolée de plusieurs études (HIMALAYAS, ROCKIES, DOLOMITES, SIERRAS) conduites chez des sujets insuffisants rénaux non dialysés ou mis en dialyse dans les 4 derniers mois a, elle, montré l'absence de surrisque cardiovasculaire dans le groupe roxadustat par rapport au groupe ASE. Celle des études ANDES, ALPS et OLYMPUS a montré un meilleur métabolisme du fer sous roxadustat, avec des taux d’hepcidine circulante, une amélioration des paramètres du bilan martial chez les sujets non dialysés avec un moindre recours à un apport en fer veineux (6,2 % versus 12,7 % sous placebo) et une moindre posologie moyenne en fer nécessaire (58,14 vs 88,67 mg/mois) durant les 36 premières semaines de traitement. Néphropathies lupique et à IgA : du nouveau Sachant que près de 50 % des patients lupiques développeront une atteinte rénale, à risque d’évolution rapide, et que près de 20 % d’entre eux échappent aux traitements actuels, le développement de nouvelles alternatives thérapeutiques est attendu. AURORA 1 avait montré que la voclosporine est supérieure au placebo en association avec un traitement d’entretien conventionnel, et permet d’obtenir un taux accru de patients atteignant la rémission complète ou la rémission partielle à 1 an (70 % vs 50 %). Les données de suivi (AURORA 2) à 3 ans ont été présentées durant l’ERA 2022 : elles montrent le maintien de l'efficacité du traitement, le taux de ceux atteignant un rapport protéinurie sur créatininurie ≤ 0,5 étant supérieur tout au long du suivi dans le groupe voclosporine. Une seconde étude, WIN-LUPUS, a aussi voulu trancher la question du maintien du traitement d'entretien au-delà de 2 ans de suivi : dans cette étude, le traitement d'entretien conventionnel de la néphropathie lupique a été arrêté sur une période de 3 mois ou maintenu une année supplémentaire. Le suivi à un an a montré un bénéfice à maintenir le traitement sur le plan de la fréquence et de la sévérité des poussées rénales ou extra-rénales (12,5 vs 27,3 % ; p = 0,079 et 12,5 vs 31,8 % ; p = 0,034). WIN-LUPUS a le mérite d'être la première étude randomisée à décrire une différence pronostique sur le sujet, mais est limitée par le nombre relativement faible de patients inclus (n = 96). Sachant qu'une minorité de patients rechutent, il est nécessaire d’évaluer ceux qui sont les plus à risque et qui bénéficieraient du maintien du traitement : cette étude a identifié plusieurs facteurs de risque favorisants, liés aux valeurs de protéinurie, d’albuminémie, de C3 et au niveau d'activité de la maladie (score SLEDAI). De nouvelles études sont attendues pour établir les critères cliniques ou biologiques pertinents qui aideront le clinicien à déterminer quel traitement privilégié entre la voclosporine et d’autres traitements ciblés, comme le bélimumab. Dans la néphropathie à IgA, une nouvelle génération de molécules est également développée, ciblant le complément d’une part ou l’endothéline d’autre part. Les premières (narsoplimab ciblant anti-MASP-2 et avacopan ciblant le récepteur C5a) ont déjà fait l’objet d’études préliminaires dont les résultats encourageants doivent être confirmés auprès d’effectifs plus importants suivis sur des périodes de temps plus longues. Le blocage des récepteurs ET-A de l’endothéline via l’atrasentan a fait l’objet d’une étude de phase 2 (AFFINITY) dont les données ont été présentées cette année : conduite chez une vingtaine de patients, elle montre que l’atrasentan 0,75 mg/j réduit le débit de protéinurie de 58,5 % à 24 semaines chez des patients dont la protéinurie était persistante à l’inclusion malgré un traitement par inhibiteur du SRA. Ces premières données montrent également une bonne tolérance, que de nouvelles études devront confirmées. Focus sur deux approches innovantes La xénotransplantation, qui a déjà été expérimentée cliniquement dans la greffe cardiaque, est aussi envisagée en néphrologie, étant donné la pénurie de greffons. Cette approche n’a pas fait beaucoup parler d'elle mais elle commence à être évaluée expérimentalement. Aujourd’hui, le choix se porte sur le cochon, dont le rein se rapproche de celui de l’homme par sa taille, sa fonction et son anatomie. Une toute première évaluation a d’ailleurs fait l’objet d’une publication dans le New England Journal of Medicine. Ici, le greffon était prélevé chez un animal génétiquement modifié (extinction de gènes clés et ajout de quelques gènes humains d'importance) et greffé avec une petite partie de thymus afin de réduire le risque de rejet. Cette première preuve de concept a été conduite chez des patients en état de mort cérébrale, après accord des familles. La greffe a été réalisée au niveau de la cuisse avec anastomose et l’objectif était d'évaluer le risque de rejet hyperaigu. Les données ont été concluantes avec une bonne vascularisation et une bonne fonctionnalité du greffon 54 heures après la transplantation. Les études se poursuivent. Citons enfin plusieurs communications présentées qui ont été dédiées à l’utilisation de la néphrogénomique ; ensemble, elles incitent à considérer cette option le plus souvent possible comme une approche utilisable en routine dès lors que le contexte le nécessite, face à certaines situations cliniques complexes. D’après l’émission What’s up ERA 2022, 59e Congrès de l’European Renal Association, avec la participation des Pr Jean-Jacques BOFFA et Gabriel CHOUKROUN, animée par le Dr Gérard LAMBERT (AXIS TV), organisée par Néphrologie Pratique, avec le soutien institutionnel de GSK

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