04 oct 2024
Les bienfaits de l’entraînement physique et cognitif des patients hémodialysés
Guillaume SERET, Le Mans
Quels bénéfices des programmes d'entraînement multimodaux (activité physique, stimulation intellectuelle) chez les patients hémodialysés comme réponse pragmatique pour lutter contre les dommages cérébraux et leurs conséquences ?
Le déclin cognitif et physique des patients hémodialysés est bien décrit dans la littérature(1). Celui-ci est multifactoriel : il s’agit principalement d’une population âgée, avec de lourdes comorbidités cardio-vasculaires, mais il y a également un rôle plus spécifique de la maladie rénale chronique et de l’hémodialyse.
De nombreuses études ont démontré qu’il était possible, par une activité physique adaptée (pendant ou hors des séances de dialyse), de ralentir le déclin physique et la perte d’autonomie des patients, et ce faisant, d’obtenir une réduction de la morbi-mortalité. C’est le cas notamment dans l’étude de Manfredini et al. qui démontre qu’un simple exercice de marche effectué à domicile pendant 6 mois permet d’améliorer les performances des patients et leur qualité de vie(2). Une méta-analyse récente a mis en évidence l’impact positif de l’activité physique en dialyse sur les résistances vasculaires, la pression artérielle, et les paramètres échocardiographiques(3). Plus largement, une analyse des patients de la cohorte DOPPS confirme, chez les patients ayant une activité physique régulière, une amélioration de la qualité de vie, du sommeil, et de la survie(4).
Ici, les auteurs se sont également intéressés aux capacités cognitives des patients en proposant un programme d'entraînement physique et cognitif sur 12 semaines.
Ce travail a été effectué par une équipe Slovène, et a concerné 44 patients randomisés en deux groupes (expérimental et contrôle). Le protocole expérimental consistait en une activité physique de 30 minutes, adaptée aux capacités du patient (type pédalier), suivie de jeux d'entraînement cognitif sur tablette (les références sont dans l’article).
Différents tests ont été utilisés :
Trail making test A et B (TMT A et B) : ces tests explorent la sphère cognitive, en évaluant la vivacité d’esprit, l’attention et la rapidité d’exécution des exercices.
Timed Up and Go test (TUG) : ce test évalue la mobilité des patients, qui doivent se lever d’une chaise, marcher 3 mètres et revenir en position assise.
TUG dual task test (TUG-dual) : ce test explore la coordination motrice-cognitive en faisant exécuter le TUG tout en comptant à rebours.
La compliance à l'entraînement physique était de 79,9 % ± 21,2 % des sessions proposées, avec une durée moyenne de 37,6 ± 12,7 min et une distance moyenne de 10,8 ± 3,6 km virtuels. La compliance à l'entraînement cognitif était de 84,2 % ± 14,9 %, avec une durée moyenne de séance de 34 ± 4,1 min.
Les bénéfices sur le plan cognitif, explorés via les TMTs et le TUG-dual, sont positifs pour les patients du groupe expérimental, avec une amélioration du TMT-A et du TMT-B, tandis que le groupe témoin connaît une dégradation des deux scores.
Les résultats sont comparables avec les tests TUG et TUG-Dual.
Cette étude démontre l’importance capitale de la stimulation des patients hémodialysés, une population constituée en grande majorité de patients âgés, sédentaires et à risque de perte d’autonomie. Outre les problématiques fréquentes de déclin cognitif, de perte d’autonomie et de maintien à domicile, les conséquences des chutes (et autres traumatismes) peuvent être dramatiques chez ces patients fragilisés par la maladie rénale. Bien évidemment le risque cardiovasculaire de ces patients est également majeur, comme nous l'expérimentons quotidiennement, et les bénéfices de l’activité physique ne sont pas négligeables, même si nous manquons de données à long terme, la plupart des séries ayant un recul de quelques semaines à 6 mois.
Partant du constat que les innovations thérapeutiques et matérielles en dialyse sont de plus en plus difficiles à obtenir (et pour un impact très relatif en termes de santé publique), les publications concernant l’activité physique et intellectuelle en dialyse doivent faire l’objet d’une attention particulière. En effet, les technologies dont nous disposons désormais pourraient permettre de diffuser à grande échelle des programmes d'entraînement multimodaux, pouvant être suivis à domicile ou en séance, avec très peu (voire pas du tout) de matériel. Il y a probablement beaucoup plus à y gagner pour nos patients, que de se voir inscrire une ligne supplémentaire sur l’ordonnance !
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